Comment le parent incestueux abuse de son enfant ?

Quand la pathologie s'en mêle : perversion narcissique et psychose

Avant toute chose, notez que par confort de rédaction je parle du parent au masculin mais la manipulation n'a pas de sexe. Le parent manipulateur peut -être aussi bien le père que la mère. Détail qui a toute son importance dans la compréhension du mécanisme de l'emprise.

Le parent incestueux est donc un parfait manipulateur car sa construction psychique l'a doté de la sorte.

L'élaboration de l'incestualité se trouve dans son origine à mi chemin entre la psychose et la perversion narcissique.

L'individu psychotique ou pervers narcissique, dans son développement émotionnel, n'a pas franchi le cap de l'enfance. Il est resté cloisonné à cette période infantile, coincé entre son sentiment de toute puissance et sa dépendance totale à l'autre.

Comprenez que pour le parent incestueux, l'enfant n'est qu'une projection de lui-même, une extension de sa personne, un jouet, un doudou sur qui il peut projeter tout ce qu'il adule et réfute de sa propre personne. Tout comme un enfant aime son doudou et en a même besoin pour se sentir en sécurité, le parent incestueux ne peut se passer de son enfant dont il se sert comme béquille émotionnelle pour exister et pour se valoriser auprès des autres.

Le parent incestueux utilise d'ailleurs ses enfants comme couverture sociétale, pour répondre à l'image que la société se fait d'une personne "mature", "responsable" et "fiable". Parce qu'il a fait des enfants, il se sent intouchable.

Quand l'abus prend diverses formes

Pour prendre conscience de l'étendue de l'emprise parentale sur l'enfant, il faut comprendre qu'il s'agit d'un endoctrinement, d'une colonisation de l'intérieur qui ne laisse aucune place à l'individualité. L'enfant d'un parent incestueux ne sera jamais considéré comme un individu à part entière et sera toujours maintenu dans le délire narcissique de son parent. C'est l'élément à intégrer en priorité lorsque l'on cherche des réponses à notre malaise. C'est d'ailleurs ce qui est systèmatiquement source de résistances intenses en processus de thérapie. Je le constate auprès de ma patientèle et j'en suis également passée par cette étape cruciale. On ne peut tolérer cette prise de conscience, qui est juste insupportable à réaliser. Etre solidement installé dans sa thérapie est du coup indispensable pour traverser cette phase de résistances intensives. Lorsque cela se produit, et que l'on soit bien d'accord, cette phase se produit inévitablement, j'énonce toujours à mes patients où ils en sont dans le cheminement pour comprendre ce qui se joue symboliquement dans leur corps, leur esprit et leur coeur. Je suis d'autant plus auprès de chacune des personnes que j'accompagne car je sais la douleur qu'une telle prise de conscience engendre comme je sais le soulagement qu'elle amène aussi.

Je le disais, l'incestualisation relève d'un délire narcissique du parent, délire de toute puissance et d'omnipotence à toute épreuve, lui conférant le libre accès à tous ses fantasmes les plus inhumains soient-ils.

L'incestualisation d'un enfant se passe donc en plusieurs étapes :

- la normalisation des violences : l'abus émotionnel et psychologique est un fait avéré mais dissimulé derrière un modèle éducatif.

- le soutien permanent et démesuré : le parent se tourne directement ou indirectement vers son enfant pour combler ses besoins émotionnels en réponse à ses propres carences.

- l'exigence de la perfection : le parent qui se projette en son enfant exige alors de lui une perfection permanente dans les domaines où il attend l'excellence et avec laquelle il pourra se valoriser auprès de son entourage pour recevra toutes les éloges possibles.

• pression à la réussite, que ce soit à l'école, dans les études supérieures, dans le travail, dans les disciplines sportives
• politesse et image de l'enfant sage, bien élevé et parfait à qui rien ne peut être reproché
• maintient d'un physique idéal, perte de poids, sport extrême, alimentation stricte et calibrée
• comparaison permanente avec lui-même et avec les autres qu'il estime toujours mieux, toujours plus fort, toujours plus beau, toujours plus grand que son enfant

- la notion d'amour parental : le parent annonce chacun de ses comportements malsains et intrusifs comme de l'amour et de la protection envers son enfant. Agissant de la sorte, il instaure progressivement le doute, la confusion et l'extrême sentiment de culpabilité chez son enfant.

- le consentement par loyauté inconsciente : le parent instaure un climat incestuel où plane l'accès à l'intrusion, à l'intimité, à la nudité et au corps en toute impunité. Il crée spécifiquement des moments et des espaces de jeux et de partage accentuant le doute et le sentiment de complicité si destructeur et culpabilisant pour l'enfant.

- le fantasme partagé : le parent incestueux abuse sexuellement de son enfant de manière symbolique par des regards, des caresses, des allusions et des blagues à caractères sexuelles, des remarques sur son physique, le tout sous couvert d'amour parental et d'actes naturels.

- le passage à l'acte incestueux : le parent franchit le cap du passage à l'acte et abuse sexuellement de son enfant, que ce soit par des attouchements, par des agressions sexuelles et/ou par des viols, le tout là aussi sous couvert d'amour parental et d'actes naturels.

Notez également que pour le parent incestueux qui reste dans la phase du fantasme partagé, il est très fréquent qu'il élabore une parade pour assouvir son fantasme du passage à l'acte par personne interposée. Ainsi il est très fréquent que l'enfant incesté soit victimes de violences sexuelles par une voire plusieurs tierces personnes, de la famille ou non.

L'inceste et l'incestuel, une affaire de couple

L'incestualisation d'un enfant est avant tout une affaire de couple. Le parent qui incestualise son enfant agit avec la complicité consciente du parent opposé. Je parle de complicité consciente de par le comportement passif souvent notable chez le parent en question.

2 cas de figures sont à constater chez le parent passif :

• Il ne réagit pas face aux comportements malsains, toxiques et criminels de son ou sa partenaire et le laisse agir en toute impunité car il banalise ces agissements et prend donc la défense du parent incestueux, souvent car il en a lui-même était la victime et ne sait pas réagir face à ces débordements parentaux.
• Il en est le complice voire même l'instigateur masqué. C'est là aussi toute la difficulté pour un enfant qui grandit et est élevé dans le modèle incestueux car il doit faire face à la complicité de ses parents qui forment alors un duo auprès duquel il ne fait pas le poids.

Concernant ce deuxième cas de figure, il est plus fréquent qu'on ne le pense. Car il faut bien comprendre que dans la mise en place d'un climat incestueux  il est bien question de couple pervers avec rapport dominant/dominé.

Notez qu'il peut s'agir du père comme de la mère. Le caractère de domination/soumission ne dépendant pas du sexe du parent.

Notez également que dans le fonctionnement de ces couples pervers, le parent dominé est systématiquement celui qui est le plus instable et "fragile" émotionnellement, permettant au parent dominant d'exercer son emprise totale en toute discrétion. Le parent dominé est alors celui qui incestualise le plus son enfant, sous la manipulation discrète du parent dominant. C'est de cette manière que ce dernier assouvit ses fantasmes de passage à l'acte, sans avoir à commettre les agressions lui-même mais en passant par le parent dominé.

Le parent dominé est celui qui est souvent "ailleurs".

• De manière concrète car il s'absente souvent du domicile familial (le plus souvent pour des déplacements professionnels ou autre)
• De manière symbolique car il ne tient pas son rôle de parent, se tient à l'écart de l'éducation de son enfant, ne s'engage pas dans ses devoirs parentaux, ne s'investit pas auprès de son enfant

Qu'en est-il des fratries ? l'inceste touche tous les enfants de la famille

Concernant les familles avec un enfant unique, ce dernier est forcément celui qui subit la toxicité et la perversité de ses parents. Il est considéré comme une extension à la fois du parent manipulateur mais aussi du couple en lui-même laissant la porte ouverte à tous les débordements possibles.

Pour les familles avec plusieurs enfants, il est fréquent que l'ainé de la fratrie soit celui sur lequel le parent manipulateur place son dévolu, puisqu'il est le premier, l'élu en quelque sorte, censé combler ses énormes failles narcissiques.

L'enfant en question est alors "isolé" de ses frères et soeurs de manière symbolique pour maintenir un rapport de force et de compétition entre ses enfants. Le parent crée volontairement des discordes entre ses enfants, est volontairement plus exigeant avec l'ainé, dans le but de générer chez ce dernier un sentiment de perdition et de solitude permanent.

Vous l'aurez compris, l'incestualisation est un concept destructeur qui requiert un accompagnement thérapeutique pointilleux pour les personnes en ayant été victimes.

Parce qu'il est très difficile à détecter, notamment pour les personnes victimes d'incestuel, il est indispensable d'être suivi psychologiquement dans sa démarche de compréhension et de reconstruction.